St Paul Roux
Linge étendu par les bras roses de maman !
Primitive épreuve
de la cuve aux cendres de sarment…
Œufs à la neige du savon…
Franches gifles du battoir…
Décisives caresses du puits…
Très pure corde allant de l’azerolier à ce trophée d’oreilles d’éléphant que semble le figuier…
Puis les épingles tutélaires…
Enfin, sur toutes ces candeurs flottantes, les lingots subtils du soleil vierge…
Ô vous que rafraîchit l’orage, la force vive et l’idée
neuve rafraîchiront votre couche de vivants, l’odeur fétide du malheur n’infectera plus le linge de vos femmes.
Linge étendu par ses bras roses !
Hosties…
Lins d’aube…
Nénuphars de brise…
Pages de pâquerettes…
Pans de lune…
Parchemins aux vignettes d’insectes…
Linge étendu par ses bras roses !
Ingénue senteur de la lessive…
Cela monte ouvrir le colombier des souvenirs…
Et l’on perçoit des gestes
blancs de revenants dans les mirages du jadis…
Et l’on savoure le bon lait des bercails révolus…
Linge étendu par ses
bras roses !
Car c’est l’exposition, des œuvres simples des Mamelles de ma maison…
États d’âme de mes
aïeules entre le laurier rose et l’olivier !…
Fil, émanais-tu de la quenouille ou des bandeaux sortis des capelines ?…
Serviriez-vous de trousseaux
à la postérité, vénérables cheveux d’antan ?…
Linge étendu par ses bras roses !
Ô ces doigts de grand’mères sur ces balèvres de grand’mères !…
Salive laborieuse, est-ce toi qui dégoulines de ces toiles sur les verveines et sur les
pastèques ?…
Braves fées qui filiez en songeant sous la treille l’été, l’hiver devant le feu de ceps, vos rêveries, sont-elles pas restées entre les mailles ?…
Linge étendu par ses bras roses !
Ô langes…
Ô tabliers…
Ô rideaux…
Ô nappes des festins de famille où le plus vieux dit la prière…
Ô draps mis aux croisées lorsque passe la Vierge…
Ô suaires…
Linge étendu par les bras roses de ma mère
&
St John Perse
Les viandes grillent…
Les viandes
grillent en plein vent,
les sauces se composent
et la fumée remonte les chemins à vif
et rejoint qui marchait.
Alors le songeur aux joues sales
se tire
d'un vieux songe tout rayé
de violences,
de ruses et d'éclats,
et orné de sueurs, vers l'odeur de la viande
il descend
comme une femme qui traîne : ses toiles,
tout son linge et ses cheveux défaits.
Éloges