www.annycejourdhui.fr avec cette écrivaine passionnée de la langue
française Michelle Grangaud qui parle ici du"Dictionnaire historique de la langue française" d'Alain Rey, des "Morales élémentaires" de Raymond Queneau, de l'histoire
des mots, des bi-mots, de la ritournelle, de la morale, de la contrainte et de la poésie, et de l'écriture, à l'occasion de la parution de "Les
Temps traversés" aux éditions P.O.L, le 2 juin 2010, à Paris.(Le Monde)
Membre du groupe de littérature de l’Oulipo, animée d’un profond amour de la langue, elle avait fait de l’anagramme un objet poétique et une éthique de pensée. Elle est décédée le 15 janvier, à l’âge de 80 ans.
Ainsi:
1562 * L'expression pierre de touche, dans le dictionnaire d'Alain Rey, est donnée à pierre comme étant de 1579, mais à touche elle apparaît datée de 1562. Dans un cas de ce genre, qui n'est certes pas le plus fréquent
mais qui n'est pas rare non plus, je m'accorde le droit de choisir celle des deux dates où l'expression en question sera le mieux utilisée. En revanche, je ne me permets pas de l'employer une deuxième fois, car le règlement chronologique
l'interdit, du moins pour ce qui concerne ces morales, certes élémentaires, mais qui n'en constituent pas moins, à elles toutes, une suite chronologique.
&
Michelle Grangaud, entre autres créations passionnantes, a
illustré chacun des jours de l'année par une citation, au moins, et souvent plusieurs, tirées d'une oeuvre et extraites, donc, d'un moment précis, datable. Ce qui donne l'impression que le livre
n'est pas écrit par la personne dont le nom s'expose sur la page de titre, mais bien par toutes les voix qui forment cette compilation. ©Electre 2022
Quatrième de couverture
"Dans les livres, comme dans la pensée, le temps cesse d'être
cette flèche qui va finir par, inéluctablement, nous épingler, il prend une forme irrégulière faite de chevauchements, d'imbrications et d'écarts imprévus - ce n'est plus la pointe lacérante et stérilisante
de l'éternel présent, mais toute l'étendue d'un passé qui ne connaît pas de limites, où le fatal enchaînement des causes et des effets peut, non pas toujours mais quelquefois, se renverser ; où c'est parfois
la princesse de Clèves qui décrit le personnage de Mme de La Fayette, ou encore Emma Bovary qui invente Gustave Flaubert. C'est aussi, d'une certaine manière, ce qui se passe dans ce livre, écrit non par la personne dont le nom
s'expose sur la page-titre, mais bien par toutes les voix, diverses et nombreuses, qui forment cet ouvrage de pure compilation et donc, pour ce motif, entièrement vrai.C'est peut-être pourquoi cette année,
avec ses 367 jours, est vraiment tout à fait folle."
exemple, extrait:
20 janvier
* François-Denys-Bartholomée Bouvard, étant à
son comptoir, apprend par une lettre que son
oncle, qui
vient de mourir, était son père naturel,
et qu’il en est l’héritier.
* Ubu roi , en marionnettes, est représenté au
théâtre des Pantins, 6, rue Ballu.
* Flaubert et Du Campperdus dans la nuit, la neige
et la plaine des Thermopyles, se guident sur les
aboiements d’un chien pour retrouver leur chemin.
Signé
Michelle Gringaud:
« Je me
suis aperçue (... ) que je ne pouvais pas écrire sans contraintes » et : « mon ambition, c'est d'englober le monde entier, si je pouvais ». Il s'agit en effet de contraintes et de tenir le monde avec les mots."
Sources:
Poézibao + recherches