"Dans le jardin où j’habite, vit depuis dix années, une tortue végétale qui parfois fait le gros dos en feuilles bouclées, parfois
roule, en été, sa carapace puis devient saule tortueux dénudé en automne.
Ce matin, je le trouve fatigué, souffrant, assoiffé, jauni,
perdant des feuilles ; il a pris un coup de vieux, et pourtant, l’automne vient à peine de sonner.
J’ai mal à mon saule.
Sous son feuillage amoindri, un artiste inconnu a sculpté son tronc en volutes puissantes et fleuronnées, s’offrant, fier, à mon regard ému.
Trois pétales rouge sang du canna, son voisin, tombés à son pied, pleurent sur sa racine, veillent à son déclin.
Si le saule meurt cet hiver, comme je le crains, je garderai la sculpture tortueuse de son tronc chemin de vie comme témoin secret de la beauté qui attendait ses derniers jours pour révéler
sa puissance.
Le saule est encore vivant
Dans ses pauvres branches
Coule la sève et ses amours."
Anny C. (Rébus)