"C’était en 89, le mur de Berlin venait de tomber.
J’y étais allée, bien sûr. C’était
à l’automne, le ciel était immense et gris, balayé par le vent. À la fausse annonce d’un journaliste : « La frontière est ouverte », des centaines de milliers d’habitants de l’Est s’étaient
rués vers les promesses de l’Ouest, la liberté et l’argent. C’est ce mouvement de masse qui a fait voler en éclats toutes les installations de sécurité. Tout l’énorme appareil d’État
avait été pris de court. Ce fut absolument sidérant. J’avais partagé l’enthousiasme avec des amis venant de tous les horizons, mais aussi avec ce peuple auquel j’avais eu honte d’appartenir. Même mes
belles-filles s’étaient précipitées pour assister à l’événement. C’était comme si enfin ce XXe siècle des horreurs commises de part et d’autre du continent se clôturait
par la chute définitive de ce qui séparait les deux camps. À la guerre froide allait succéder la brûlante envie de la réconciliation. Et avec cela, j’en avais la peur intime, l’ivresse d’une grande
Allemagne. Mais ce n’était pas le moment d’en faire état. La fête avait commencé, les uns et les autres se mêlant aux cris de « Enfin réunis ! ». Ce fut la dernière fête politique
que l’Europe a célébrée.'
Yann Andrea (Extrait de "Je voudrais parler de Duras")
" Pour moi, Duras, c’était Duras. C’était pas possible qu’elle s’appelle
autrement. C’était le nom. En plus, j’étais fétichiste. Duras. J’écrivais, je me rappelle très bien, sur des feuilles, Duras, dans tous les caractères. Je noircissais des feuilles blanches avec le
mot Duras. C’en était venu jusque-là."