J’ai, dans mon jardin,
un pied de rose - mousse qui me vient du jardin de ma mère qui le tenait du jardin de ma grand-mère. A chaque printemps, quand je revisitais le jardin avec elle, elle me disait : « C’est bonne maman qui me l’a donné.
»
J’aimais qu’elle me le redise.
La rose - mousse est petite, elle fleurit aux
alentours de Pâques, douce, son éclosion est discrète.
Lors de la vente de la maison d’enfance, j’ai pris avec précaution ce pied de rose - mousse : dans
mon jardin, il a pris racine, en ce moment il est en boutons minuscules, oeufs de Pâques floraux dans leurs cocons de mousse. Quand je passe devant lui, je revois ma mère et le jardin, mon enfance, sa lumière sous la voûte de glycines.
La rose-mousse a survécu à tous les temps, à tous les changements, elle est le témoin modeste et silencieux de la permanence dans l’impermanence. Je ne la couperai pas pour en faire un bouquet, elle restera belle au bout
de sa tige, offerte au temps des cathédrales jusqu’à ce qu’elle se fane comme se fanent les roses, toutes les roses qui durent ce que durent les roses sans mourir cependant, pour refleurir, si on les aime, dans le tabernacle du prochain
printemps.
in
Fil rouge aux grains de grenade
inédit