Au fil des mots

EPHEMERIDE

 me fait remarquer que 

Christian Bobin 

l'amoureux du Creusot a été inhumé à 

Marciac dans le Gers.  

J

e suis surprise, car née dans le Gers, cela m'intrigue (bien sûr je connais par coeur Marciac et son jazz)... et je lis le faire part de décès de C.B. qui mentionne en effet cette inhumation après une messe au Creusot...Sur le faire-part, Lydie Dattas se nomme Lydie Bobin.

Quand j'irai à Marciac j'irai visiter la tombe de C.B. pour méditer sur son mystère. 

Alors, je lis ce petit chapitre de son livre: "RESSUSCITER"dont les pages sont une éclosion de pensées.

Laoshu 

P.74...

"Dieu se repose à Marciac dans le Gers. Sans doute a-t-il cherché un tel village où tout serait à sa place-le ciel, les arbres, les pierres et les gens.Le coeur en est une place rectangulaire battue de lumière et ceinturée par des arcades où la fraîcheur et l'ombre circulent comme des petites filles faisant la ronde.les bâtiments qui entourent la place ressemblent aux vignettes d'un de ces livres, où, en même temps que la lecture, les enfants apprennent ce  qu'est le travail d'un boulanger ou d'un maire. Les pierres sont peintes en ocre et jaune safran.L'église se tient un peu en retrait comme une mère retient parfois son souffle devant la grâce vivante de ses petits. Elle converse dans la rue St Jean et Notre Dame qui la bordent avec deux magnolias géants dont l'explosion silencieuse libère un feu blanc. Tout dans ce village est mesuré et comme issue d'une pensée géniale,chaque espace contenant et réfléchissant d'autres espaces, ce qui fait que l'infini peut s'y déployer sans jamais tourner au désordre.Les rues s'en vont dans la campagne comme à un bal.A une extrémité du village, un cimetière médite, épris de la même harmonie qui règne sur la place et proposant aux visiteurs des merveilles ingénues:des roses artificielles dont les pétales brillent comme une chair sous la rosée, le nom d'un mort en lettres d'or sur une plaque verticale, recopié à l'envers sur une dalle humide.A une autre fin du village,une rue s'élève sous un triomphe d'arbres, joignant leurs feuillages jusqu'à une chapelle. Une vierge au nez cassé y porte un enfant dans ses bras.Aux beaux jours les papillons, par centaines, viennent sur cette colline livrer des tournois en son honneur.On peut embrasser le village de Marciac en quelques minutes comme on peut  l'épouser pour des siècles. C'est sans étonnement-plutôt comme une confirmation de la vérité de ce lieu-que j'y ai rencontré le mal: tout doit trouver sa place sur terre même la noirceur du coeur humain.Le mal avait les traits d'un couple possédant sept ou huit maisons dans le village.Ils ne parlaient que d'elles, pour se plaindre des tracas qu'elles leur donnaient. Ils en vendaient certaines, en rachetaient d'autres ou les louaient.Dans leurs paroles, ces maisons ressemblaient à des tire-lire géantes qu'ils secouaient pour entendre le bruit de leur argent à l'intérieur. Je les écoutais sachant une autre part de leur histoire:l'oncle de la femme du couple était un boulanger, un chagrin d'amour l'avait conduit à fermer son magasin et à tout lâcher de ce qui donne à un homme une importance à ses yeux et aux yeux des autres. En quelques jours, il avait tout quitté sauf son coeur.Son coeur a pris la place de tout. Pendant des années, cet homme a, de sa démarche de boiteux, irradié de bonté les rues de ce village qui lui ressemblait tant.le couple l'a pris en secrète haine, car personne ne flaire la sainteté aussi vite que le diable.Ils l'ont mis au service de leur famille,le prenant comme chauffeur pour les conduire à l'église le dimanche, à cent mètres de leur maison. Là-bas, ils s'asseyaient au premier rang,face au maître-autel et au prêtre qui n'était sans doute à leurs yeux, qu'un notable désargenté.Quant à leur chauffeur, il n'avait droit qu'à un petite chaise de paille tout au fond de l'église. les années passaient qui n'apprennent rien ni aux imbéciles ni aux méchants.Ils continuaient d'abuser de l'innocence de cet homme sa gaucherie, méprisant sa pauvreté et ne lui donnant jamais rien qui aurait pu adoucir sa vie matérielle.A sa mort, ils l'ont jeté dans le caveau familial sans ajouter son nom sue la tombe, à côté de celui des autres.J'écoutais ces gens dans leur demeure lourdement décorée et envahie par une odeur de cire. Je regrettais de n'avoir pu connaître ce juste quand j'ai tout d'un coup compris qu'il était partout dans l'air et l'ordonnance féérique de ce village qui me montrait son âme aussi sûrement qu'une photographie. Ces gens mourront du mépris qui recouvre leur coeur comme une cire. Jamais ils ne feront graver le nom de celui qu'ils ont persécuté sur la tombe où ils repose.Il s'appelait Maurice  et si Dieu se plaît Marciac, il y est pour beaucoup."

Commentaires

06.04 | 06:20

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10.10 | 11:28

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25.01 | 06:56

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06.08 | 13:40

Bonjour Anne Marie, Quel plaisir d'écouter Pascal Quignard, que je n'ai ...