Au fil des mots

EPHEMERIDE

 

Homère

 

Odyssée 

 

 

 

 

 

 

 

 

LIVRE ΧΙΙ

 

texte grec

 

 

 

chant 11     chant 13

 

 

 

 

 

 

 

Livre XII

 

 

 

 

 

CHARYBDE - SCYLLA.

 

Lorsque notre navire a quitté les courants du fleuve Océan, il rentre dans les flots de la vaste mer et touche à l'île d'Ea, où sont le palais et les chœurs de la divine Aurore et le lever de l'éblouissant Soleil. Mes compagnons tirent alors le vaisseau sur le sable, puis ils s'endorment près des bords de la mer, en attendant l'aube du jour.

 

  " Le lendemain, dès que brille la matinale Aurore aux doigts de rose, j'envoie mes guerriers Sans les demeures de Circé pour en rapporter le cadavre d'Elpénor. Nous abattons les arbres qui couronnent le lieu le plus élevé du rivage, et nous ensevelissons Elpénor en versant d'abondantes larmes. Quand les flammes ont consumé son corps et ses armes, nous élevons à notre malheureux compagnon un tombeau surmonté d'une colonne, et nous plaçons au sommet du monument une rame bien polie.

 

  "Quand nous avons accompli ces devoirs, Circé, instruite de notre retour, arrive élégamment parée ; ses suivantes nous apportent du pain, des mets nombreux, et un vin étincelant aux rouges couleurs. La déesse, se tenant debout au milieu de nous, prononce ces paroles :

 

  « Malheureux ! quoique vivants encore, vous êtes descendus dans les sombres demeures de Pluton ! Vous êtes donc deux fois mortels, puisque tous les autres hommes ne meurent qu'une fois ! Maintenant goûtez ces mets, buvez ce vin, et reposez-vous ici tout le jour. Demain au lever de l'Aurore vous voguerez de nouveau sur les flots. Je vous indiquerai votre route et je vous signalerai tous les dangers, afin que, fuyant les écueils, vous n'éprouviez aucun malheur sur la terre ni sur la mer. »

 

  " Ainsi parle la déesse, et nous cédons volontiers à ses avis. Pendant tout le jour et jusqu'au coucher du soleil, nous mangeons des viandes succulentes et nous savourons un délicieux nectar. Quand le soleil est couché et que les ténèbres se sont répandues sur la terre, mes compagnons s'abandonnent au repos près des amarres de notre navire. Alors la déesse, me prenant par la main et me tirant à l'écart loin de mes guerriers, me fait asseoir à ses côtés ; elle m'interroge, me demande ce qui m'est arrivé pendant mon voyage, et moi je lui raconte tout avec détail. Puis l'auguste Circé me tient ce discours :

 

  « Ulysse, toutes ces choses se sont donc passées ainsi. Maintenant écoute-moi, et plus tard un dieu te rappellera le souvenir de mes paroles. — D'abord tu rencontreras les Sirènes, séductrices de tous les hommes qui s'approchent d'elles : celui qui, poussé par son imprudence, écoutera la voix des Sirènes, ne verra plus son épouse ni ses enfants chéris qui seraient cependant charmés de son retour ; les Sirènes couchées dans une prairie captiveront ce guerrier de leurs voix harmonieuses. Autour d'elles sont les ossements et les chairs desséchées des victimes qu'elles ont fait périr.Fuis ces bords et bouche les oreilles de tes compagnons avec de la cire molle, de peur qu'aucun d'eux ne les entende. Toi-même, si tu le désires, tu pourras écouter les Sirènes, mais laisse-toi auparavant attacher les pieds et les mains au mât de ton navire rapide ; laisse-toi charger de liens, afin que tu puisses te réjouir en écoutant la voix de ces Sirènes enchanteresses. Si tu implores tes guerriers, si tu leur ordonnes de te délier, qu'ils te retiennent alors par de nouvelles chaînes. 

 

  " Lorsque tes compagnons auront fui ces rivages, je ne puis t'enseigner quelle route tu auras à suivre. Tu ne prendras conseil que de toi-même. Cependant je vais t'indiquer les chemins qui s'ouvrent des deux côtés. Là sont des roches saillantes, autour desquelles grondent les flots azurés d'Amphitrite ; elles sont appelées par les dieux fortunés roches errantes. Aucun oiseau ne peut les franchir, pas même les colombes timides qui portent l'ambroisie au puissant Jupiter. La roche unie ravit toujours une de ces colombes ; alors le fils de Saturne en envoie une autre pour compléter leur nombre. Les vaisseaux qui s'approchent de ces immenses rochers périssent en ces lieux ; les débris des navires et les corps des nautonniers sont emportés par les flots de la mer et dévorés par le feu du ciel. Le navire Argo, célébré par tous les chanteurs, fut le seul qui, en revenant des contrées d'Aétès, franchit ce passage ; il se serait même brisé contre ces rochers s'il n'eût été conduit par la belle Junon, car Jason était cher à cette déesse.

 

"La pointe aiguë de l'un de ces deux écueils touche aux vastes deux ; elle est environnée d'un nuage sombre qui ne se dissipe jamais, et la sérénité ne brille point à son sommet, ni dans l'été, ni dans l'automne. Nul homme ne pourrait y monter et n'en pourrait descendre, eût-il même vingt bras et vingt pieds, tant cette roche est lisse et semble être soigneusement polie. Au milieu du rocher se trouve une caverne obscure tournée vers le couchant, du côté de l'Érèbe ; c'est là, noble Ulysse, qu'il faut diriger ton vaisseau. Un homme, jeune encore, qui, de son creux navire, lancerait une flèche contre cette grotte, n'en atteindrait pas le fond. Scylla pousse d'affreux rugissements, sa voix est semblable à celle d'un jeune lion ; et personne ne se réjouit à la vue de ce monstre terrible, pas même un dieu ! Scylla possède douze griffes horribles et six cous d'une longueur démesurée ; à chacun d'eux est attachée une tète effrayante où paraît une triple rangée de dents serrées et nombreuses, sur lesquelles siège le noir trépas. Le milieu de son corps est plongé dans la vaste caverne, ce monstre ne fait sortir du gouffre que ses têtes hideuses ; il les promène autour de l'écueil, puis saisit et dévore les dauphins, les chiens de mer et les énormes baleines que nourrit par milliers la bruyante Amphitrite. Aucun nautonnier ne se glorifie d'avoir échappé sain et sauf aux fureurs de ce monstre terrible, car Scylla saisit toujours un homme par chacune de ses têtes et l'enlève de son navire à la proue azurée.

 

 "Ulysse, l'autre écueil que tu verras est plus bas, très-près de l'autre, et à la portée des flèches. A son sommet s'élève un figuier chargé de feuilles ; au-dessous de ce figuier est la formidable Charybde, qui engloutit sans cesse l'onde noire : trois fois par jour et elle la rejette,et trois fois encore elle l'avale en poussant des mugissements effroyables. Qu'il ne t'arrive donc point de passer en ces lieux lorsque Charybde absorbe les eaux de la mer ; car nul ne pourrait t'arracher à la mort, pas même le puissant Neptune. Rapproche-toi de Scylla et dirige ton navire en effleurant l'écueil. Il vaut mieux regretter six compagnons que de les voir périr tous ensemble. »

 

 "J'adresse aussitôt à Circé ces paroles :

 

« Déesse, dis-moi toute la vérité. Si j'évite la funeste Charybde, pourrai-je combattre l'autre monstre quand il attaquera mes guerriers ? »

 

  "La plus noble des déesses me répond en ces termes :

 

« Malheureux, tu songes donc encore aux fatigues et aux périls de la guerre ! Quoi ! tu ne veux point le céder aux dieux mêmes ! Sache donc alors que Scylla ne peut être privée de la vie : elle est immortelle. Scylla est un monstre terrible, sauvage, cruel, qu'on ne peut combattre ; il est impossible de se défendre contre elle, et le plus sûr est de fuir. Si tu restes auprès de Scylla pour lutter avec elle, je crains bien que, s'élançant de nouveau, elle n'engloutisse autant de guerriers qu'elle a de têtes. Navigue donc avec vitesse, en implorant la mère de Scylla, Cratais, qui donna le jour à ce fléau ; elle empêchera peut-être le monstre de s'élancer sur vous tous.

Commentaires

06.04 | 06:20

Emerger de notre vivier , aprés y avoir puiser toutes les émotions . Ecrire , cry...

10.10 | 11:28

Aimer ne se négocie pas - oh que non. L'amitié non plus. Amour Amitié ces de...

25.01 | 06:56

MAGISTRAL, DEVOS

06.08 | 13:40

Bonjour Anne Marie, Quel plaisir d'écouter Pascal Quignard, que je n'ai ...